Diversion :
Le Chameau est le point culminant (307 m) de l'île de Terre-de Haut, dans l'archipel des Saintes, une dépendance administrative de la Guadeloupe.
Ce morne est situé dans le Sud-ouest de l'île et est couvert de forêt. Au sommet se trouve une ancienne tour de guet, d'où l'on peut bénéficier d'un panorama sur l'archipel.
Mais c’est aussi un mammifère ruminant d'Asie.
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Me voici prête, j’emmène le plus humble et le plus sympathique chameau qui accepte de m’accompagner dans mes constructions du possible presque possibles mais non durables.
Il accepte de brouter les pages du web pour découvrir avec beaucoup de patience ce que je cherche : L’Art pictural.
L’art a-t-il un rôle à jouer dans la vie du peuple ?
Je mets la pointe du crayon sur le plus grand pays du monde, dur par son climat, riche par son étendue de terres fertiles, riche en invasions, riche en révoltes. Peuplé de paysans, qui vivent sous un régime féodal, du 9e siècle jusqu’à la réforme paysanne en 1861, puis tiré vers une autre révolution en 1917.
Fondée par des Varègues venus de Scandinavie, l’histoire du pays s’étale du Xe au XXe siècle et poursuit sa course.
Le mot « Russie » désigne un domaine où se sont rassemblés des peuples divers. Ce fut d'abord le Grand Empire qui s'étendait sur tout le bassin du Dniepr avec Kiev pour capitale.
Le peuple Russe issus d’un passé mythologique adopta sous les princes de Kiev la religion orthodoxe et l'alphabet grec.
Mon chameau me tape l’épaule, « Oui, c’est du connu. Je broutais dans les Steppes de l’Asie. Pas loin de là. »
Les Rus de Kiev de croyance païenne s’accrochaient à l’observation des faits naturels, qu’ils interprétaient librement. Première confrontation, la religion chrétienne imposée.
Mais dis moi : « Y-a-t-il un peuple sans religion ? » questionne mon chameau.
Ben oui.
Avant 988 c’était un peuple païen qui adorait probablement le soleil, la lune et ses ressources. Leurs croyances populaires inspirèrent les artistes.
C’était un art vivant, il illustrait la vision que la paysannerie avait d’elle-même, leur vie spirituelle d’un passé que la conscience a oubliée ; mais que la tradition conserve.
« Pourquoi associes-tu la religion à l’art ? » blatère mon chameau. « Tournes les pages » lui soufflais-je « regarde l’originalité de ce tableau ; c’est une Icône, elle grandit dans la Rus de Kiev, elle vient de Constantinople.
« Lis » poursuit-il.
La chrétienté s’impose et la religion orthodoxe met fin à la culture païenne, ou presque, car tu observeras l’évolution. Sous cette nouvelle aire, les thèmes artistiques se modifient.
L’art de l’icône apparaît d’abord avec la culture byzantine, puis il progresse dans un style mêlant tradition russe et réalisme de l’Europe occidentale, proche de l’art catholique.
« En somme » dit le chameau « la religion chrétienne s’est imposée aux sources de l’art populaire sans l’anéantir, créant la fusion des deux philosophies, et de ce fait, maintient un équilibre dans l’expression picturale. »
Écoutons ce qu’écrit le philosophe Tolstoï :
L'art est un moyen de communication des émotions et d'union entre les hommes. L’art pour l'art, la beauté bourgeoise, est inaccessible aux gens simples. Or ce peuple vit des
ressources de la terre.
Qu’en est –il de la communication à travers cet esprit ?
La communication doit d’être accessible aux masses, et utile au peuple.
« La religion est-elle utile au peuple ? »
« Est-elle un moteur pour l’art ? » lui demandais-je.
« La religion dirige l’esprit de l’homme, l’art perd sa liberté puisqu’il devient religieux » me dit le chameau.
L’icône était la compagne de l’homme dans les « isbas ».Il n’avait pas d’autres réconforts si ce n’est l’alcool et la brutalité.
Mais continuons car le temps s’est écoulé.
« Lis » me dit-il …
«Simon Ouchakov peintre du 17e fait évoluer son art vers l’art profane qu’il crée. Il souligne également une démarcation entre les classes cultivées prêtes à faire évoluer leur culture et les classes populaires qui conservaient à l'art traditionnel un pouvoir protecteur superstitieux.
Son audace est critiquée, dans ces termes, « la contamination de la peinture profane a fait perdre à la peinture d'icône son vrai sens qui est autant théologique-que philosophique ...»
L’esprit païen est-il enterré ?
Le Russe est respectueux de la tradition et son art évolue très lentement.
Allons voir du côté des académiciens quelques siècles plus tard.
Quel est leur rapport avec la réalité ?
Ils veulent s’enrichir des idées et des techniques extérieures, l’Icône est déjà de la peinture ancienne, ils se tournent vers la France, porteuse de lumières.
L’art entraine les sociétés.
L’esprit russe reste russe, les artistes revendiquent l’originalité de leur culture. L’art pour l’art fait figure d’importation. Il ne correspond pas aux tendances profondes du peuple russe ; les français sont étrangers à la tradition. L’artiste russe se sent responsable vis-à-vis de son art.
Et le chameau suggère qu’il ne devrait pas embrasser une autre culture.
Aurait –il des origines russes ?
L’art évolue avec son chameau. Mais qui est le chamelier dans ce troupeau ???
Je dirais l’esprit russe, son organisation contradictoire, sa dualité l’intelligentsia et l’anti-intellectualisme. Les Académiciens et les peintres ambulants ; et surtout la tradition.
Issus de l’Académie, des artistes créent une société des Expositions Itinérantes, ou « Ambulantes, » dont la vocation avait aussi un but pédagogique, et la volonté de rendre l’art plus accessible à un vaste public.
Les artistes s’intéressent au caractère pérenne d’un paysage à la réalité sociale, c’est le mouvement Réaliste, qui ira renouveler ses sources par un retour aux valeurs proprement russes, plutôt qu’occidentales.
Ils traitent la réalité sociale et politique de la Russie de leur temps avec parfois un peu de populisme. On peut donc parler de « réalisme idéologique » sous l’appellation « réalisme critique ».
Et ce mouvement « artistique autant qu’idéologique » sera d’ailleurs relativement bridé par la censure tsariste. Ainsi, s’opère un décalage politique particulier par rapport aux principaux mouvements du réalisme européen.
Ce particularisme porte sur les espérances de progrès sociaux, influencés par les idées de Tolstoï et la lente évolution politique du pays. Rappelons que l’abolition du servage date seulement de 1861 !
Pendant une trentaine d’années, les Ambulants dominent la vie artistique russe. Ils considèrent que seul le réalisme peut leur permettre d’agir directement sur la vie sociale. Cette symbolique de l’âme russe sera couramment entretenue artistiquement jusqu’en 1917.
Et après ? Comment le peuple s’exprime-t-il ???
Ben c’est une nouvelle révolution, qui amène une nouvelle politique économique.
De nombreux artistes émigrent alors en Occident où certains Russes sont déjà installés. Les préceptes révolutionnaires freinent les impulsions et l’esprit libertaire, pour privilégier des canons rigides. Les artistes ont en effet le choix entre s’autocensurer ou quitter le pays.
C’est ainsi que Marc Chagall (qui a pourtant adhéré avec enthousiasme à la révolution), prend le chemin de l’exil. Vladimir Tatline et Aleksandre Rodtchenko — qui réalisent de nombreux reportages photo pour la revue Lefà partir de 1923 — décident pour leur part de rester, séduits par l’idéologie du gouvernement socialiste qui encourage la créativité artistique.
D’abord la religion, maintenant la censure !
Peuple et art sont –ils aussi en contradiction par tradition ??
L’art change d’orientation.
Les artistes traversent l’histoire, subissent la guerre, développent des thèmes où les « icônes » images populaires sont mystifiées. Ils deviennent des peintres visionnaires. Un regroupement d’avant-garde rassemble des artistes tels Maïakovski – Harms.
Et bien ! Chameau tu en dis quoi ?
«J’avais déjà visité par obligation les portes de la Russie, le froid me blessait, les fusils me tiraient dessus, les hommes m’inondaient de leur sang. Alors dis moi, toi, mon guide, ou voulais tu en venir ; avec ton art dans ce pays ? ».
Et bien Chameau, l’homme est cruel et dominateur, tu l’as compris encombré de ton fardeau, tu domines par ta hauteur, alors regarde le, cet homme et analyse le.
Regardes le dans (les puis ses puis les puis ses) terres fertiles, en train de labourer (le puis son puis le puis son) champ il est tout à fait différent.
Regardes le peindre quand il est libre de toute contrainte. Son œuvre sera riche, ses émotions parleront différemment à chaque lever et coucher du soleil.
Dans ce vaste pays ou est la liberté ? Elle est de créer, avec ou sans contrainte. De proposer au peuple une ouverture colorée des activités, mais aussi de l’amener à prendre conscience de leur quotidien.
« Je ne comprends plus» me dit le chameau.
« Les bourgeois sont lettrés, ils ont accès à l’Académie s’intéressent à la beauté. Mais le peuple ? »
Si on lui laisse son autonomie, il exprimera sa liberté, qui lui coutera la vie ou non si il veut affronter son chamelier.
Tolstoï écrivait : L’art est un moyen pédagogique pour aborder la société, lui faire prendre conscience de ses possibilités à entrevoir un peu de beauté, à explorer son intérieur, à exprimer ses pulsions.
A mon sens, l’art est libre d’agir et Alfred Doblin auteur du 20e siècle s’exprime : l’art n’est pas libre, il agit.
Pour moi aussi, il agit sous l’emprise de son chamelier.
Le peuple éprouve le besoin d’être soutenu, entendu, écouté et non traqué par un régime autoritaire.
Les artistes russes des dernières décennies avaient en commun un certain caractère rebelle qui leur permettait de respirer librement. Ils s’opposaient individuellement et silencieusement au nouveau réalisme socialiste imposé
Le peintre Malevitch écrit : « Peindre une toile cela ne devrait pas être l’art de répéter mais l’art de créer des formes nouvelles. Chaque forme nouvelle s’affirme comme une entité libre et surtout chaque forme est le monde »
Tu entends chameau, c’est un peuple difficile à comprendre. Mais ne le juge pas, tu vis sous un autre régime politique. Et pour moi, le travail des artistes m’a enrichi. C’était leur objectif non ?
L’art russe tout en conservant sa tradition, a traversé les siècles de révolutions en révolutions, pour déboucher sur l’autonomie de son œuvre. Il continue à évoluer car il vit les changements de régime ; Soyons positifs et attentifs nous découvrirons les prochaines éclosions.
L’art est un langage universel écrit par un homme qui exprime sa philosophie, sa culture en toute liberté.
Tu dis quoi Chameau ? …Ben je réfléchis
Grâce Garcet
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Jeannine Sawelew (jeudi, 14 décembre 2017 09:05)
Magnifique, ce texte ! Merci de le partager et que dire de la photo : sensationnelle!
J'ai découvert le site de Monsieur Ledonne en cherchant des infos sur l'U3A.
Très bonne surprise.
Et puis, je vois tes reportages, et surtout ton nom, figure-toi que nous avons partagé les bancs de l' Ecole moyenne à Visé ! ça fait remonter les souvenirs.
Amicalement
Jeannine