J'avais vingt-cinq ans. Ma mère était morte la nuit précédente.
Je me suis retrouvé dans une rue de mon village ou je croisai une connaissance, une amie de la famille. Elle m'a regardé avec sympathie et m'a demandé (sans rien savoir, naturellement, de ce qui venait de m'arriver).
"Alors, ça va ?".
Je suis presque sûr, sans en avoir le souvenir exact, d'avoir évité de la regarder dans les yeux. Je lui ai simplement répondu : «Ça va bien, merci".
Phrase banale, toute faite, résonnant cruellement dans ma tête. Visage crispé qui, à tout prix, voulait répondre par un sourire au sourire de cette dame.
Ce sourire n'étant que l'échappatoire polie, mais si conflictuelle au fond, face au malentendu de cette situation de langage. Il eut suffi de dire, pourquoi suis-je resté dans l'inutile et douloureux non-dit ? Je souriais et me sentais mentir à travers ce sourire même, ce sourire-masque.
J'ai gardé longtemps cette sensation, très physique du "sourire-masque".
Je l'associe à un symptôme qui m'a poursuivi pendant les années qui ont suivi cet événement : il m'arrivait de dire exactement le contraire de ce que je pensais. Autre manière de masque, mais c'était malgré moi.
Par facilité, pour ne pas importuner mon interlocuteur aves mes problèmes, pour écourter la conversation.
J'ai beaucoup lutté contre ce que je ne savais, alors, que nommer "mensonge" ou "hypocrisie".
J'en ai par la suite tirer aussi la conclusion que cette manière formatée de répondre "ça va bien, merci" pouvait alors relever de l'indifférence au monde, d'une façon de se délester d'autrui, de l'autre et ainsi d'éviter d'aller plus loin.
Car c'est bien la formule réciproque et quotidienne que nous nous lançons tous les matins.
Au détriment de la profondeur des échanges . . .
Louis Ledonne
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Pinckers Marina (dimanche, 21 juin 2020 17:45)
Je comprends si bien ton texte Louis!
J'aimerais te répondre, mais j'ai tant de difficultés avec mes yeux... Vivement le 10 juillet pcque
mon oeuil droit sera opéré.On pourra aussi parler de ce sujet quand on se verra. Si cela te conviens bien sûr!
Bien amicalement,
Marina
Ps: j"ai bien conscience quand je te rencontre, qu'après ton: "ça va, merci", il faut que j'insiste un peu afin que tu m'en dise un peu plus... Pour moi, j'interprète cela comme de la pudeur ou de la discrétion. J'apprécie beaucoup Louis! Au moins avec toi, on ne se trouve pas à écouter un discours interminable et si égocentrique (souvent) comme réponse à la question "comment vas tu?"
Je n"ai jamais oublié cette phrase dite dans un film: "on ne sait pas à quoi on s'engage quand on demande à quelqu'un ,comment il va".
Des fois j'aimerais que tu m'en dise un peu plus: que "ça va, merci", mais je ne veux pas devenir intrusive... On continuera donc ce sujet quand on se verra. Jolie soirée.
schenkcolette@gmail.com (lundi, 26 octobre 2020 11:32)
Bonjour Louis,
Le jour où j'en ai eu marre de répondre "oui ça va" alors que ça n'allait pas et bien j'ai répondu par une question : êtes vous capable d'assumer la réponse ? Bonne journée. Je me suis sentie soulagée, je pesais pas sur la personne mais j'avais eu le courage d'être moi, sans me répandre, j'ai eu le sentiment d'être juste. Je me réjouis de te lire. Bonne journée.
Colette